Joséphine Baker est une Pionnière, avec un grand P, s’il vous plaît. Sexe-symbole et symbole des années folles, elle est la Cendrillon métisse du XXe siècle.
Comme toute petite fille, elle avait un rêve, celui de fouler les planches de Broadway. Parfois, il arrive que ces rêves se réalisent. Intrigues, rebondissements, chute... Débuts horribles pour Happy Ending, sa vie est digne des plus grands films et contes de fées. Laissez-nous vous raconter son histoire.
Splendeurs et misères d’une femme
La petite Joséphine arrêtera définitivement l’école, qu’elle ne fréquentait d’ailleurs pas assidûment, à 13 ans, l’âge de son premier mariage (qui ne durera qu’un an). Si vous pensez que c’est choquant, c’est que vous ne savez pas encore qu’avant cela, après l’école, elle était envoyée par sa mère faire des ménages dans des maisons aisées pour subvenir aux besoins de sa famille dont elle est l’aînée. À 8 ans, quand certaines petites filles jouent à la poupée, Joséphine garde de vrais bébés. La journée écolière, le soir, elle fait les baby-sitters et dort dans une caisse à la cave avec le chien de la maison dans laquelle elle travaille. Mais c’était une autre époque...
En 1920, elle caresse du bout des doigts son rêve en intégrant un trio d’artistes de rue, le Jones Family Band. Devenant par la suite une troupe itinérante, les Dixie Steppers, elle parcourt les États-Unis jusqu’en Philadelphie, où elle rencontrera un deuxième homme, un artiste, qui deviendra son mari et lui donnera son nom : Willie Baker. Elle a 15 ans.
La plus parisienne des Américaines
Le 22 septembre 1925, quand elle arrive à Paris, elle amène avec elle le Charleston et le Black Bottom dans La Revue Nègre où elle fait sensation. Le succès qu’elle y rencontre la propulse directement dans un des cabarets les plus célèbres du monde :Les Folies Bergères.Seins nus, plumes ou bananes autour des hanches, danses à la cambrure exagérée... Celle qui débarque de New York donne aux Français ce qu’ils veulent voir. Une Afrique faite de clichés primitifs et grotesques. Le Tout-Paris tombe en amour devant cette femme ovni, elle qui chantera la Ville lumière dans de nombreuses chansons (Paris chéri, Paris Paris...) Joséphine Baker c’est un corps, une voix, un visage. Quand on voit ses mimiques, ses grimaces et sa gestuelle, on ne peut s’empêcher de penser à une Charlie Chaplin au féminin. Une danseuse sulfureuse qui a parfois choqué son époque. Il suffit d’écouter sa chanson Voulez-vous de la canne à sucre pour comprendre....
Artiste certes, mais engagée
Pendant la période de l’entre-deux-guerres, tout n’est que fastes paillettes et fêtes. Mais en 1939, la Grande Guerre éclate. Joséphine quitte la scène et s’engage d’abord comme infirmière-pilote. Après la débâcle, elle suit de Gaulle et intègre les services secrets des forces françaises libres. On se souviendra d’elle pour avoir caché des messages secrets dans ses partitions. Par ce geste et ce dévouement, elle clame encore une nouvelle fois son amour à la France, sa terre d’adoption. Mais elle n’en oublie pas moins « son pays ». Celle qui fut la première artiste noire à connaître la gloire en France a forcément connu le racisme ultra-violent de cette période sur laquelle plane l’ombre de l’esclavage et des colonies. De retour aux États-Unis, elle luttera dès 1947 contre le racisme et pour l’émancipation des noirs – notamment en soutenant un autre grand homme, Martin Luther King.
Joséphine Baker, amoureuse de l’amour
Nous avons déjà évoqué plus haut mari n° 1 et mari n° 2. Passons maintenant à mari n° 3. Jo Bouillon, un chef d’orchestre qui lui donna la nationalité française. Et devinez quoi ? Angélina Jolie n’a rien inventé. Avant elle, Joséphine Baker et son mari Jo avaient adopté 12 enfants de plusieurs nationalités. Pour cette Afro-Américaine Amérindienne, sa « tribu arc-en-ciel » devait montrer au monde que l’amour, au-delà de la couleur de peau, est possible. Mara le Vénézuélien, Coffy l’Ivoirien, Jeannot le Japonais, Jarry le Finlandais, Brahim l’Algérien, Akio le Coréen, Moïse l’Israélien, Luis le Colombien, Jean-Claude de Parisien et Ostellina l’Africaine...
Entre temps, on lui connaît une aventure avec Georges Simenon, et une liaison en 1926 avec l’italien Giuseppe Abatino (alias Pepito) qui sera son manager et son conseiller financier et artistique pendant dix ans. On dira de lui que c’est un gigolo (mais vous savez, les rumeurs...). C’est d’ailleurs lui qui l’incitera à pousser la chansonnette et fera découvrir au public l’incroyable voix de cette amazone.
The End.
Peu sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir écrit leurs mémoires à seulement 22 ans, comme ce fut le cas pour Joséphine. Pourtant, à cet âge-là, la jeune femme n’avait pas encore vécu le quart de cette vie incroyablement riche qui lui tendait les bras.
Joséphine Baker a tiré le rideau à la vie le 12 avril 1975. Elle avait 68 ans. La veille, elle se produisait pour ce qui était son spectacle d’adieu. En disant adieu à la scène, elle dira aussi adieu à la vie, mais marquera à jamais son époque...